1968-1989

mai 27, 2024

 Suite à la visite du président Charles de Gaulle (1968), l’activité culturelle française en Roumanie prend un nouvel essor, symbolisé par l’ouverture en janvier 1970 de la Bibliothèque française dans les immeubles de l’ancien Institut Français, boulevard Dacia. La coopération et les échanges se déroulent toutefois sous des contraintes et sous une surveillance de plus en plus stricte, à mesure que le régime de Nicolae Ceaușescu durcit son emprise sur la société.

La Bibliothèque française a trouvé rapidement une place importante dans la vie culturelle bucarestoise, par l’offre des livres disponibles, par les manifestations culturelles organisées (conférences, expositions, récitals, projections de films), par la diffusion des publications et par l’organisation des cours de civilisation française et de perfectionnement pour les professeurs. L’inauguration de la salle de cinéma en 1979, tout comme l’ouverture d’une salle de documentation pédagogique et l’augmentation du nombre des lecteurs dans les universités ont confirmé l’importance de l’enseignement de la langue dans l’action culturelle de la France.

Si le public d’un certain âge apprécie la reprise d’une tradition d’avant l’instauration du régime communiste, l’offre de la Bibliothèque s’adresse également aux jeunes générations et touche aussi les domaines scientifiques et techniques, prévus dans l’accord de 1966 et dans les programmes de coopération établis par les commissions mixtes successives.  A la même époque, les contacts académiques s’intensifient, avec – entre autres – un important colloque franco-roumain d’histoire en 1969, occasion pour Alphonse Dupront de revenir en Roumanie, accompagné de Georges Duby, Pierre Chaunu et François Furet.

L’accès du public, en théorie « libre », est néanmoins de plus en plus surveillé. Selon l’accord qui stipule l’ouverture de la Bibliothèque française à Bucarest, celle-ci fonctionne sous le contrôle du Conseil de la Culture et de l’Éducation Socialiste (qui donne l’avis sur la composition des fonds de matériels culturels et le programme d’activités) et ne peut pas être utilisée par le personnel de la mission diplomatique française. C’est non seulement une différence de traitement, par comparaison avec les autres bibliothèques étrangères à Bucarest (américaine, britannique, allemande), mais aussi le signe de son importance aux yeux du régime.

La police politique de Nicolae Ceaușescu veut empêcher « l’endoctrinement et la diversion idéologique » et dissuade par tous les moyens sa fréquentation. La Securitate donne ou refuse la permission pour que les intellectuels roumains invités par la Bibliothèque participent aux différents évènements culturels organisés entre ses murs. Dans ce contexte, le contact avec les lecteurs français dans les universités devient très important, ceux-ci étant parfois les « complices » des dissidents au régime, comme dans le cas du  “groupe de Iași”, au début des années 1980.

Bibliographie :

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