Pensées littéraires – Lucien Goldmann
Le dieu caché, Lucien Goldmann
Paris, Gallimard, 1955, 454 pages
C’est la position cosmologique de Dieu – c’est à dire, celle de spectateur – que Goldmann analyse par son étude sur la vision du tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine. Muet et passif, Dieu regarde l’homme en souffrance.
Cependant, ce Dieu absconditus n’est pas uniquement absent, mais il est présent en même temps. Dans cette simultanéité se trouve le paradoxe de son existence. Dieu est caché, mais plus exactement il se cache à l’homme ; il reste un potentiel énergétique qui ne se manifeste jamais. Georg Lukács, face à un Dieu qui nous voit, mais qui ne nous répond pas, se demande : Peut-il encore vivre l’homme sur lequel est tombé le regard de Dieu ? N’y a-t-il pas un désaccord entre l’acte humain et la présence divine ?
Si pour les rationalistes (à titre d’exemple, on mentionne Descartes, Malebranche, Spinoza), Dieu représente la loi générale, l’auteur des vérités éternelles qui garantit l’existence au monde et auquel on reconnaît le droit théorique de faire occasionnellement des miracles, pour Pascal et pour Racine il y a un Dieu tragique. Il juge et rappelle toujours à l’homme, par son silence, qu’il n’y a pas le moindre compromis à faire.
Dans le milieu de deux infinis, l’homme lutte pour atteindre l’une de ces éternités. Chez Pascal, c’est le combat contre soi, contre le relatif, ce qui mène à la solitude, puis à la conscience tragique. D’après Lucien Goldmann, la grandeur tragique est le refus de la concession au nom d’un acte intramondain, et ce refus est l’affirmation de la mort.
Même si on fait référence à l’œuvre de Racine ou à la philosophie de Pascal, l’essence de la condition humaine est la mort. Lukács dit, dans ce sens, que le héros vécu à la mort de la tragédie sont morts depuis longtemps avant de mourir. Andromaque est morte depuis ses premières paroles. Quand le rideau se lève, l’avenir est déjà présent dans l’acte tragique.