Pensées littéraires – Albert Camus
Noces, suivi de l’Été, Albert Camus
Paris, Gallimard, 1959 [1938], 196 pages
Recueil d’essais au caractère autobiographique, Noces, suivi de l’Été célèbre l’accord entre l’être humain et la nature décrite ici dans toute sa grandeur. Les noces deviennent l’apogée de la condition humaine, le moment où cela se manifeste dans sa grandeur de chair, de sang et de temps. On dirait que l’homme lève le voile d’une nature jusqu’alors vierge, mais c’est plus qu’une démystification extérieure… La violence des vagues, l’envie du vent ou l’œil brut du ciel lui murmure qu’il vit. Dans ce lyrisme végétal, il prend conscience de sa fragilité.
Ainsi, quatre décors célèbrent les Noces de Camus et le premier est représenté par les ruines de Tipasa dans lesquelles pulsent les vieux dieux qui parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes. Au milieu des vestiges, l’auteur sent un trop-plein de vie. Mais si l’ouest de l’Algérie préserve encore quelque chose de divin, Djemila, au contraire crie le tragique. Dans ces débris d’une autre cité romaine, le vent dépouille l’homme de son pouvoir. Il contemple sa fragilité que, sous le soleil qui brûle, est plus accablant que jamais. Et toutefois la force de vivre vient de la jeunesse. Dans cette abondance artistique, l’homme revendique l’orgueil de sa condition. Il veut être, il veut aimer, il veut goûter les couleurs. Il y a autant de beauté dans l’existence pour ne pas être. Et cette beauté nous est dévoilée aussi dans l’Été à Alger, plus intime à Camus. Un temps vécu qui laisse une fosse dans l’âme. C’est pour cela que le désert à Toscane est, ainsi, purement intérieur et bien absurde. Toujours contemplateur de sa propre conscience, les pensées l’accablent. Comme des Érinyes, celles-ci lui suivent – on ne doit pas parler du temps. Ou de la mort.
Exercice de respiration : on inhale du monde. Il y a un temps pour vivre et un temps pour témoigner de vivre. Il y a aussi un temps pour créer…