Pensées littéraires – Michel Onfray
La sculpture de soi, Michel Onfray
Paris, Grasset, 1993, 294 pages
Imaginez-vous entourés de miroirs. Vous pouvez contempler de tous les angles votre être, envisager la chair comme étant la matière par excellence. Mais la symétrie de ces réflexions vous empêche de vous regarder vous-même. C’est alors que commence la sculpture de soi, concept analysé dans l’étude philosophique de Michel Onfray.
Dans une perspective éthique, cela n’a rien de narcissique, car il ne s’agit pas d’une prosternation devant un visage adoré. Le regard sur soi est glacial. L’être, face à sa chair, analyse les possibilités de devenir – c’est comme une critique des virtualités pour qu’elle s’actualise dans l’intégrité de sa force humaine. L’homme ne suffit pas et le rêve nietzschéen revient avec de la nostalgie. Ce Caesar avec le cœur de Christ nous séduit. Le surhomme est, enfin, le potentiel dans toute sa puissance créatrice.
Toutefois ce jeu des yeux qui ne se regardent pas est un exercice de force morale. On doit être un esthète – nous dit Michel Onfray – mais non dans le sens égoïste de celui qui choisit seulement l’une de ses virtualités. Car il faut les réunir dans leur plénitude unanime. Les images dispersées, l’automutilation dont on a souffert se reconstitue à travers un mouvement artistique. Le sculpteur travaille sur soi. À la fois artiste et œuvre, sculpteur et sculpture.
De cette façon, on dispose du corps selon la conduite d’une volonté expérimentale. Ce projet d’esthétisme est donc une tentative d’immortaliser l’être dans la totalité de son énergie vitale – comme si Phébus, si on fait référence à la mythologie, reste toujours suspendu entre terre et ciel, dans le point le plus près du soleil. Il reste à nous demander, après avoir lu cette profonde étude de la réalisation humaine, que se passe-t-il si l’on joue avec le sur-vivre ?