Pensées littéraires – Paul Claudel
Réflexions sur la poésie, Paul Claudel
(Paris, Gallimard, 1993, 185 pages)
Les grands poètes ne font pas de critique, mais des réflexions. C’est ce que Paul Claudel se propose dans Réflexions sur la poésie : réfléchir sur la création poétique. Ce livre est un recueil d’essais consacrés à l’acte poétique et à la condition de l’artiste, une recomposition de conceptions à la fois personnelles et analytiques.
En fait, la conscience du poète est son atelier. Son travail consiste précisément dans le sens qu’il réussit à donner aux mots dispersés, privés de signification poétique, mais qui dans l’acte de création gagnent de la musicalité. Si les pensées sont des sons qui pulsent dans les tempes du poète, son talent consiste à les identifier, puis les structurer. La poésie doit être pensée par le penseur, travaillée par l’ouvrier (qui est le poète), dit Paul Claudel. Au contraire, toute tentative du poète de se laisser emporter par la musicalité intérieure, sans discernement, est vouée à l’échec. Il donne ici l’exemple de Victor Hugo qui, malgré son état de « poète de génie », fasciné par son propre débit verbal, diminue l’intensité de son vers en rassemblant dans une seule phrase quatre adjectifs identiques : « L’innocente blancheur des neiges vénérables ». La poésie de Victor Hugo – critique l’auteur – manque de rigueur.
Paul Claudel identifie aussi trois marques essentielles à une œuvre éternelle – il fait référence aux caractéristiques poétiques trouvées dans la Divine Comédie de Dante – c’est-à-dire : l’inspiration, « le don à un degré suprême d’intelligence ou de goût » et la catholicité. Plus ambiguë que les premières, la catholicité fait référence à la foi. Enfin, la religiosité s’impose comme principe créateur. Autrement dit, comment le poète pourrait-il créer une œuvre accomplie (totale) s’il ne se rapporte pas à l’absolu ?