Pensées littéraires – Pierre Guyotat
Idiotie, Pierre Guyotat
Paris, Grasset, 2018, 256 pages
Dans Idiotie, le roman de sa jeunesse, Pierre Guyotat rend hommage au passé. Son regard se retourne en arrière et revit l’histoire de son être. Les scènes qui ont marqué son entrée dans l’âge adulte, après la mort de sa mère fortement aimée, retournent avec force. On entend des témoignages : l’abandon de son père et la fuite du domicile familial, l’errance dans les quartiers de Paris, le vol commis contre sa famille et la douleur qu’il ressent après, puis la pauvreté et la misère – presque désirées car elles lui donnent une raison de souffrir. On sent une conscience qui palpite. En outre, la guerre d’Algérie lui provoque de la honte. La honte est, après tout, quelque chose de son orgueil : accusé de porter atteinte au moral de l’armée, il est transféré dans une unité disciplinaire. L’idiotie, c’est-à-dire la débilité, vient de l’humiliation. Maintenant, mutilé en esprit, il peut posséder la poésie. Car, de toute façon, c’est une possession. Une autre atteinte ; mais cette fois, une atteinte à sa conscience.
Le monde, comme réalité organique, se brise et tremble en couleurs, bruits violents, cris déchirés de souffrance, de peur, de haine, de faim, en errances et en conquêtes. C’est l’animal qui se réveille – et pourtant les tentations de la chair prennent une forme presque spirituelle. La sexualité la plus basse est une épreuve de pouvoir, un exercice de refoulement et de sacrifice humain pour l’acte créateur. Mais c’est toujours l’autre qu’on sacrifie. La femme se voit dépourvue de sa conscience ; elle est pure sensualité, un objet d’étude artistique.