Pensées littéraires – Marie Vingtras

Blizzard, Marie Vingtras

Paris, Édition de l’Olivier, 26 août 2021, 192 pages

Blizzard est un drame vécu par de multiples consciences, évoqué par de multiples voix narratives. Ce récit qui marque le début littéraire romanesque de Marie Vingtras, publié en 2021 et distingué avec le Prix des Libraires, emporte avec soi le vent hostile d’Alaska.

Tour à tour, Benedict, Cola, Freeman et Bess racontent leurs peurs, leurs regrets qui se réveillent dans la conscience comme quelque chose oubliée depuis longtemps. Le vent du passé souffle les souvenirs douloureux de la guerre, les humiliations, les visages pâles de l’enfance. Les souvenirs qui suivent ces protagonistes isolés sous un immense tapis de neiges prennent le goût d’une mort prématurée : Freeman, retraité, se rappelle la guerre de Vietnam et sa défiance contre la mort ; Bess se débat entre honte et vie, elle n’a plus la force de marcher, son corps est lourd et, toutefois, elle n’a pas encore trouvé Thomas, l’enfant disparu ; Benedict fait l’aveu des efforts investis dans la recherche de son frère cadet, recherche qui entraîne tous les personnages.

En effet, la disparition de Thomas, le frère cadet de Benedict, constitue le drame central du roman aussi bien que du lecteur. Cet enfant englouti des neiges revient dans la mémoire des personnages comme un regret vivant. Son absence semble plus réelle que sa personne. Il y a ici une fine technique narrative qui crée une confusion entre les morts et les vivants, entre les absentes et les voix qui racontent. Le temps efface des moments, des années, des visages…

Abandonnés dans un monde frappé par des vents glacés, les consciences troublées des personnages se confessent. Le premier roman de Marie Vingtras est, tout d’abord, une confession des hommes qui ne peuvent plus tenir pour eux la culpabilité de ne pas trouver Thomas.

Après, Dieu pourra m’envoyer toutes les tempêtes du monde, je ne bataillerai plus, je suis bien trop fatigué pour cela.

Miruna Moldoveanu