Pensées littéraires – Saint-John Perse

Amers, Saint-John Perse

(Paris, Gallimard, 1970 [1957], 170 pages)

Les poèmes en prose de Saint-John Perse, qui ont gagné le prix Nobel en 1960, sont des invocations et des tentatives de nommer la Mer. Toute-puissante et cruelle dans sa beauté, la Mer garde en soi le début et la fin de l’être. Sa puissance destructrice vient, ainsi, de sa force créatrice – elle est l’Amante, symbole de la Vie et de la Mort. Femme par excellence, le mouvement rythmique de ses vagues a quelque chose de cette sensualité des femmes qui perdent l’âme de leur amoureux. En tout cas, c’est une danse promettant un dévoilement qui s’attarde. Le poète reste seul devant une énigme bleue qui l’attire et qui le refuse, tout comme un jeu de séduction dont la mise est le destin de celui qui aime.

Mais Elle se tait, et c’est son silence qui effraye l’homme. Car Il n’est péril plus grand qu’au sommeil de l’Amante… Le poète regarde avec effroi et désir l’Amante aux yeux verts qui bouge, par caprice, ses vagues.

Vents, Saint-John Perse

(Paris, Gallimard, 1968 [1946], 121 pages)

Le poète s’identifie aux grands Vents. Ces forces brutes, les grands Vents, promettent la renaissance de l’être. C’est une affirmation presque païenne de la vie, parce que le vent est la nature qui respire et qui se manifeste dans l’intégrité de sa puissance régénératrice. Si la Mer conserve en soi la féminité et, finalement, son ambivalence des symboles (vie-mort, plaisir-effroi, sensualité-spiritualité), les vents sont des vigies spirituelles radicales d’une brutalité pleinement masculine. Principe actif de la nature, ils ont des capacités purificatoires – c’est pour cela qui l’être se prosterne devant eux comme une épreuve de résistance. Conformément à la remarque de Paul Claudel concernant l’œuvre de Saint-John Perse, cette narration du souffle se déploie poétiquement comme une épopée des vents.

Miruna Moldoveanu